21 janvier 2008

Le préfet veut expulser un avocat en France depuis 1962

Le préfet oblige un avocat malien inscrit à Aix depuis 28 ans à quitter le territoire
Publié le samedi 19 janvier 2008 à 07H21-resf-
Me Abdoulaye Coulibaly, avocat à Aix, vit en France depuis 1962, date à laquelle il s'est inscrit en droit et il a passé sa carrière à plaider la régularisation de centaines d'étrangers.C'est à son tour d'être menacé d'une expulsion.
Le préfet des Bouches-du-Rhône a adressé, le 1er octobre, à M e Abdoulaye Coulibaly, un avocat inscrit au barreau d'Aix-en-Provence depuis vingt-huit ans, un arrêté de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Un territoire sur lequel cet avocat malien vit, sans anicroches, depuis... 1962, date à laquelle il s'était inscrit à la faculté de droit d'Aix-en-Provence. A cette époque-là, il avait 25 ans et la carte de séjour n'avait pas encore été instaurée.
Pour Jean-François Leca, bâtonnier d'Aix, "on marche sur la tête". Mon confrère exerce depuis trente ans, on le voit plaider ses dossiers tous les jours. A croire qu'à la préfecture, il faut faire du chiffre. Plus personne n'est à l'abri". Le chef de file des avocats aixois compte bien que, lundi,à l'audience sur le recours déposé contre la décision préfectorale, "les juges administratifs feront preuve de plus de bon sens que le préfet".
L'administration estime qu'Abdoulaye Coulibaly ne "justifie pas de sa présence en France pour chaque année depuis dix ans". En dépit des attestations de tous ses bâtonniers depuis 1980, en dépit du bail de son cabinet renouvelé depuis dix-neuf ans. "Sans incidence", tranche le préfet qui réclame des factures, des quittances... "Je comprends l'émotion, dit la chef du bureau des étrangers à la préfecture, mais on n'a qu'une règle et on l'applique à tous de la même façon". Me Coulibaly, père d'un enfant français âgé de 21 ans, n'avait jusqu'alors rien rencontré d'autres que des contrariétés, jamais une telle rudesse administrative. En 1974, lorsqu'était sortie la première loi sur le séjour des étrangers, l'administration lui avait rétorqué: "Ça ne vous concerne pas". En 1989, lorsque la préfecture s'était intéressé à sa situation, sa demande de naturalisation suffisait à légaliser sa présence . Durant ces quarante-cinq années de vie en France, son passeport malien - renouvelé en France dans les répresentations diplomatiques- et sa carte professionnelle ont toujours suffi. L'avocat oscille entre rire et pleurs. Cette procédure le terrasse. "C'est ubuesque mais, en même temps, je n'arrive plus à travailler. C'est une humiliation, une meurtrissure". Bien sûr, il s'est rendu au Mali, voir sa famille et même plaider des dossiers, mais "c'est en France qu'il a construit sa vie professionnelle et privée", observe Me Claudie Hubert, son avocate qui ne décolère pas. C'est toute la profession d'avocat qui a décidé de faire bloc derrière son confrère.
Le Syndicat desAvocats de France et le Conseil national des barreaux interviendront lundi à l'audience.

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