16 juin 2007

De la Démocratie...?
Lors de l'assemblée générale de l'association Ensemble citoyens, nombre d'adhérents ont rappelé l'absolue nécessité d'allier l'action à la réflexion. Trouver un espace d'expression pour débattre, réfléchir, proposer, questionner...
L'actualité nous bouscule, nous désole, nous traumatise...prendre du recul, réfléchir, que faire? Faute de recette miracle, l'histoire peut être parfois un sacré outil. Elle rappelle à chacun d'entre nous que d'autres se sont posés ces lancinantes questions sur l'homme et ses aptitudes à la démocratie. Tocqueville ( 1805-1859)qui certes n'était pas un révolutionnaire a laissé "quelques traces" de ces questionnements.
Voici un texte d'une étonnante modernité (extrait de "De la démocratie en Amérique"-) livré à la multitude...n'est ce point ce texte là qu'il eut fallu lire aux élèves à la rentrée? A vos réflexions....

« Il y a un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques.

« Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir.
Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; il les laissent volontiers échapper eux-mêmes (…)

« Si, à ce moment critique, un ambitieux vient à s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu’il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu’il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.

« Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître.(…)

« Il n’est pas rare de voir alors la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d’une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l’immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toute chose, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les mœurs ; et l’on s’étonne en voyant le petit nombre de faibles et d’indignes main dans lesquelles peut tomber un grand peuple…

« Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. »

Libellés : , ,